Avatar est un film de 2009, dont l’histoire se déroule en l’an 2154 sur une lune (Pandore) d’une exo-planète gazeuse géante (Polyphème) le tout orbitant autour de l’étoile Alpha du Centaure A, donc à 4,36 années-lumière de la Terre.
Des humains sont partit là-bas à bord de vaisseaux spatiaux pour récupérer un élément rare (et fictif) : l’unobtainium. La lune est habitée par des Na’vi, un peuple vivant en harmonie avec Pandore et la nature qui s’y trouve et ne voit pas d’un bon œil le fait que des humains arrivent et saccagent la lune dans l’accomplissement de leur but.
L’histoire retrace les aventures de Jake Sully, un homme paralysé dont la conscience est transportée dans un clone de Na’vi. Dans ce nouveau corps, il va infiltrer la population Na’vi. Il finira par se lier d’amitié avec eux et restera même sur Pandore.
Si dans l’ensemble le film ne présente pas beaucoup de contradictions scientifiques (à part le sexe par USB), on peut quand même revenir sur quelques points intéressants, pour tenter d’expliquer certains phénomènes présents sur Pandore.
La lune Pandore et sa planète Polyphème
Pandore tourne autour de sa planète Polyphème, elle-même en orbite autour de l’étoile Alpha-centauri-A, qui est au passage l’étoile la plus proche du Soleil et l’une des plus lumineuses dans le ciel (mais n’est en revanche pas toujours visible depuis l’hémisphère nord).
Je doute qu’en 2154 nous seront capables d’aller visiter ce système : dans le film les passagers sont maintenus dans un sommeil cryogénique durant 5 ans, 9 mois et 22 jours, ceci signifie qu’ils voyagent à environ 75% de la vitesse de la lumière, et ça, actuellement on en est beaucoup trop loin. Mais pourquoi pas après tout : qui en 1850 aurait pensé qu’on marcherait sur la Lune un siècle plus tard (à part Jules Verne) ?
L’un des points étranges concernant la planète géante, Polyphème, c’est qu’elle ressemble vachement à Jupiter, alors que dans le système solaire, la planète qui possède une lune nommée « Pandora », c’est au contraire Saturne !
Peut-être que c’est fait exprès, mais c’est marrant à constater. Une autre comparaison entre Jupiter et Polyphème est faite sur Wikimédia, qui montre bien la ressemblance avec Jupiter.
Ceci étant dit, passons à la lune elle-même : Pandore. Elle ressemble étrangement à la Terre.
En soi ce n’est pas un problème mais il faut savoir qu’une planète jovienne comme Polyphème génère une attraction gravitationnelle considérable. À tel point que les lunes qui sont en orbite et proches sont déformées et malaxées par les forces de marée : la face de la lune visible depuis la planète subit une attraction plus importante que la face qui ne lui fait pas face, ce qui la tire vers la planète, comme l’eau et le sol sur Terre quand la Lune lui fait face, mais alors à des proportions bien plus grandes.
Pour comparer, l’une des lunes de Jupiter, Io située environ aussi proche de Jupiter que la Lune de la Terre possède plus de 400 volcans actifs à cause de l’échauffement et des « malaxations » générées par les forces de marée de Jupiter.
Et si je regarde dans Celestia, en positionnant Io de façon à ce qu’elle ait la même taille que Pandore sur ma capture, on voit que Jupiter est beaucoup plus loin, ce qui signifie que Pandore est plus proche de Polyphème que Io de Jupiter :
Il existe d’ailleurs une limite en dessous de laquelle un astre soumis aux forces de marée d’un autre astre se disloque. C’est la limite de Roche (du nom d’Édouard Roche) : si vous vous trouvez sur une lune orbitant en dessous de la limite de Roche, alors vous commencerez à quitter la lune et à tomber vers la planète, à cause de l’attraction de la planète qui devient alors plus forte que celle de la lune où vous vous trouvez ! La lune elle-même se disloquera complètement car les forces de cohésion rocheuse de la lune seront plus faibles que les forces de marée de la planète.
Si on considère que Pandore a la masse volumique de la Terre et Polyphème la masse volumique et de Saturne (elle est légèrement plus petite que Jupiter), alors la distance de Roche est de 73 509 km.
Si je mets à l’échelle mon Jupiter, (toujours dans Celestia) pour estimer la distance entre Pandore et Polyphème, je tombe sur… 56 000 km.
Autrement dit, Pandore ne devrait même pas exister : elle aurait due être détruite depuis longtemps par Polyphème et ses forces de marée.
Dans tous les cas, même si Pandore est à une plus grande distance de Polyphème, l’activité volcanique devrait tout de même être intense. Après tout, Io est à environ 5 fois la distance de Roche de Jupiter et il reste très actif d’un point de vue volcanique. Il est donc fort peu probable que la lune Pandore soit un astre propice à la vie et à l’eau liquide telle qu’on le voit dans le film.
Pour conclure ce passage : Pandore devrait plutôt ressembler à un enfer de volcans et de magma.
Les montagnes flottantes « Hallelujah »
Il est dit que ces montagnes flottent dans l’air grâce à l’unobtainium qu’elles renferment et qui agit comme un supraconducteur.
Ceci n’est pas impossible, je pense (mis à part que la plupart des supraconducteurs connus sur Terre doivent être refroidis à très basse température pour maintenir leurs propriétés supraconductrices).
Les supraconducteurs sont des matériaux où la résistance électrique est nulle : le courant peut y circuler quasi-perpétuellement. De ce fait, le courant génère un champ magnétique qui peut s’opposer à un champ magnétique existant.
L’astuce des supraconducteurs est de « geler » leur champ magnétique et de se « figer » autour des lignes de champ magnétique extérieur : c’est l’effet d’ancrage des vortex de courant induit dans le supraconducteur).
Ainsi, là où un aimant normal finit toujours par se retourner quand vous le placez au dessus d’un autre aimant, un aimant au dessus d’un supraconducteur ne se retourne pas et lévite :
Sur Pandore, si ces montagnes sont des supraconducteurs, on peut calculer l’intensité du champ magnétique qui règne dans la région, considérant simplement que la force électromagnétique compense la force de gravitation.
Si une montagne mesure 100 m × 50 m × 50 m avec une densité comparable à du granite, et considérant l’accélération de la pesanteur à 80% celle de la Terre, alors l’intensité du champ magnétique serait de 2,33 teslas, sur toute la région !
Ça ne paraît pas beaucoup, mais c’est parce que le Tesla est une unité très grande : 2,33 teslas correspondent à 52 000 fois le champ magnétique terrestre.
Inutile de dire que dans ces conditions, tout moyen de communication est coupé, que les avions devraient s’écraser au sol et s’y enfoncer, que le fauteuil roulant de Sully devrait également être écrasé et s’enfoncer dans le sol et que les armes à feu et autres couteaux ne devraient pas être soulevables sans une force herculéenne.
La source du champ magnétique
Sur Terre, le champ magnétique est produit par le noyau de fer solide baignant dans une couche de fer liquide. Le déplacement du fer au sein du noyau crée un champ magnétique autour de la planète : c’est l’effet dynamo (et l’étude du magnétisme produit par ou induit dans un liquide se nomme la magnétohydrodynamique).
Il est peu probable qu’une planète tellurique plus petite que la Terre puisse créer un champ magnétique 52 000 fois plus puissante à elle toute seule.
En fait, dans l’univers, les plus puissants champs magnétiques sont générés par des magnétars : des étoiles à neutron en rotation rapide. Ils produisent un champ magnétique de plusieurs milliards de teslas et émettent des rayons X et gamma à haute énergie. La vie à côté d’un magnétar est impossible : les champs magnétiques sont trop intenses et de toute façon la moindre exposition à des rayons gamma et X générés par un magnétar vous vaporiserait en quelques instants.
Mais gardons les pieds sur Pandore : d’où vient le champ magnétique, si l’effet dynamo ne suffit pas ?
On peut imaginer que ce soit la planète Polyphème la responsable. Dans notre système solaire, Jupiter génère aussi un champ magnétique important : il est responsable de courants plasmiques entre Io et les pôles de Jupiter. Voyons ce que dit Wikipédia à propos de ça :
La magnétosphère de Jupiter est à l'origine de deux structures spectaculaires : le tore de plasma de Io, et le tube de flux de Io.
Le différentiel de vitesse entre le champ magnétique en rotation rapide de Jupiter (un tour en 10 heures environ) et la rotation plus lente de Io autour de Jupiter (un tour en 40 heures) arrache de l’atmosphère de Io environ une tonne d'ions de soufre et d'oxygène par seconde et accélère ces ions à grande vitesse, de sorte qu'ils effectuent également un tour de Jupiter en dix heures.
Ces ions forment un gigantesque tore autour de Jupiter, dont le diamètre équivaut au diamètre de Jupiter elle-même.
L'interaction du tore avec Io génère une différence de potentiel de 400 000 volts avec la surface de Jupiter, produisant un puissant courant de plusieurs millions d'ampères qui circule entre Io et les pôles de Jupiter, formant un tube de flux suivant les lignes de champ magnétique. Ce phénomène produit une puissance de l'ordre de 2,5 térawatt.

(image — Le tore de plasma est en rouge, et le flux d’ions entre Io et les pôles de Jupiter est matérialisé en vert)
Si Pandore présente le même phénomène de courant ionique atmosphérique, alors peut-être que ce courant serait suffisant pour générer un champ magnétique en plus de l’effet dynamo.
Je doute cependant qu’on atteigne les 2,33 teslas et le ciel de Pandore devrait être plutôt coloré en raison des aurores, sans oublier non plus l’impact que tout ceci pourrait avoir sur la vie…
D’un autre côté, il est également possible que la lune produise une couche atmosphérique supérieure protégeant le sol des ions. C’est ce qui se passe sur Terre d’une certaine façon : quand l’activité solaire augmente, les UV arrivent en masse sur Terre, ce qui va également produire de l’ozone en plus grande quantité et donc mieux protéger le sol des mêmes UV. On imagine un phénomène similaire sur Pandore, protégeant la vie tout en la baignant dans un champ magnétique suffisamment puissant pour soulever des montagnes. Il y a de l’idée, mais ça n’explique pas pourquoi les avions ne sont pas cloués au sol !
Les plantes bio- et triboluminescentes
Une des particularités de Pandore que j’ai beaucoup aimé, ce sont les plantes luminescentes. Les jungles doivent y être magnifiques. Sur Terre aussi il existe des animaux et des plantes qui produisent de la lumière : les vers luisants en sont un exemple local.
L’effet de phosphorescence (capter la lumière du jour et la restituer tout au long de la nuit) qu’ont certaines roches existe : les composés incluant du phosphore présentent ces propriétés, mais également d’autres matériaux plus exotiques à base de strontium, d’europium et de dysprosium, et qui durent même beaucoup plus longtemps (jusqu’à 12 heures).
Certains projets veulent même créer des plantes d’intérieur artificiellement phosphorescentes.
Pour l’illumination des plantes quand on marche dessus, l’énergie est tirée de la déformation et de la brisure des molécules sous l’effet de l’écrasement : comme un cristal piézoélectrique de quartz qui produit de l’électricité quand on le soumet à une pression. Ce phénomène se nomme la triboluminescence.
Sur pandore, ce n’est pas le quartz mais les plantes qui produisent de la lumière par triboluminescence.
Ceci n’est pas propre à Pandore : ça existe aussi sur Terre : certaines algues s’illuminent lors de passages de vagues ou quand elles viennent s’échouer sur la côte.
Pour conclure
Ce film, malgré quelques imperfections inhérentes à l’histoire (l’impossibilité pour un avion de voler dans un champ magnétique assez fort pour soulever des montagnes ou la distance trop proche de Pandore à sa planète), regroupe tout un tas de petites choses explicables par la science : plantes lumineuses, champ magnétique tellurique et extra-tellurique, supra-conducteurs.
Je n’ai cependant pas jugé utile de parler du transport de sa conscience d’un corps à l’autre : ceci est pour le moment de la fiction et la recherche actuelle va plutôt dans le sens où la conscience et la mémoire d’une personne sera d’abord transférée dans un ordinateur avant d’être placée dans une autre personne. À ce titre, les prothèses bioniques ou robots contrôlés par la pensée existent déjà.
Les sciences étaient déjà brillantes, mais maintenant les disciplines se mélangent réellement : biologie, quantique, informatique, mécanique et tout ceci promet des choses vraiment intéressantes, voire effrayantes.