La série d’animation Les Simpsons retrace de façon satyrique la vie d’une famille américaine moyenne. Homer Simpson en est le personnage principal et il travaille à la centrale nucléaire de la ville.
Dans le générique, on voit Homer manipuler un barreau d’uranium avec la protection adéquate : tablier, gants, lunettes… bref, tout ce qu’il faut pour symboliser une « bonne protection ». Cette situation ne dure pas car la cloche sonne et l’heure du travail est fini : Homer laisse tomber ses équipements de protection et rentre chez lui, sans faire attention à l’uranium qui rebondit et se colle dans son dos. Il finira par s’en débarrasser et par le jeter par la fenêtre de sa voiture.
En vrai, si ça arrive, qu’arriverait-il à Homer ?
Réponse courte
Rien.
Le danger de l’uranium
Dans la nature, on trouve 99,3% d’uranium 238 et 0,7% d’uranium 235. On trouve aussi de l’uranium 234 à l’état de traces. La différence entre tous ces isotopes de l’uranium réside dans le nombre de neutrons dans le noyau, et ceci affecte la stabilité (et la radioactivité) de l’élément.
D’un point de vu purement radioactif, l’uranium n’est pas dangereux : il est 10 millions de fois moins radioactif que le carbone 14. De plus, les radiations émises sont de type alpha et celles-ci sont et arrêtées par une feuille de papier et même par 20 cm d’air. Ce n’est que quand l’élément radioactif est ingéré qu’il y a danger.
Manipuler quelques grammes d’uranium 238 ne requiert pas de protections contre les radiations, tant qu’on ne reste pas exposé tout le temps (une bague en uranium n’est donc pas une bonne idée).
Il constitue cependant un poison au même titre que les autres métaux lourds (plomb, par exemple).
L’uranium 238 est utilisé dans l’aviation civile comme contre-poids dans la queue des avions (l’uranium est plus dense que le mercure, que le plomb, que l’argent…) : vous ne ressortirez donc pas tout irradié d’un avion. En plein vol, la dose de radiations provient des rayons cosmiques plutôt que de l’uranium à bord. Encore mieux, l’uranium appauvri est utilisé comme matériau de protection contre… les radiations.
Dans les centrales, en revanche, l’uranium est enrichi en uranium 235, qui est son isotope fissile naturel. C’est lui qui peut spontanément se désintégrer et libérer des neutrons. Ces neutrons vont alors provoquer d’autres fissions et c’est ça qui provoque la réaction en chaîne. Mais l’uranium 235 n’est pas, d’un point de vu purement radiatif, dangereux. Si on l’exploite, c’est pour l’énergie libérée lors des réactions en chaîne : dans les centrales, on entretient des réactions en chaîne volontairement : on concentre les réactions pour concentrer l’énergie.
Ce sont plutôt les sous produits (à commencer par le plutonium) de ces réactions qui sont hautement radioactifs, hautement toxiques et hautement fissiles (donc susceptibles de provoquer une explosion quand leur quantité augmente et atteint la masse critique). Selon la légende, une boule de plutonium de la taille d’une pomme, en plus de peser 4 kg serait toujours chaude… et vous irradiera assez vite.
Le danger « explosif » d’un élément fissile comme l’uranium 235 (pas le 238) ou le plutonium existe quand on dépasse une certaine quantité : la masse critique. Dans une masse égale à la masse critique, les neutrons émis ont une probabilité d’atteindre d’autres atomes qui est suffisante pour engendrer une réaction en chaîne avant que les neutrons sortent du métal.
Ainsi, si un élément a une masse critique de 2 kg, alors avoir 1 kg dans une main et 1 kg dans l’autre ne fera rien péter ; réunissez les deux bouts et vous explosez tout.
La barre d’uranium d’Homer
Selon la photo, j’estime la géométrie de la barre d’uranium à 7 cm de long pour 2 cm de diamètre (en prenant les mains d’Homer comme référence de taille). Ceci correspond à 400 grammes d’uranium.
Cette masse d’uranium ne risque pas d’exploser : la masse critique de l’uranium 235 pur est de 40 kilogrammes (ce qui fera la taille d’un ananas — oui, l’uranium est dense), et elle est encore plus grande pour l’uranium enrichi à 5% en uranium 235…
Concernant la radioactivité et la dose de rayonnements, là aussi, il n’y a pas grand choses à craindre : les 400 grammes d’uranium tenues à la main le temps de la jeter par la fenêtre ne produisent que 4 millisievert de rayonnements, ce qui est environ moitié moins qu’une radiographie des poumons.
Il ne faut cependant pas qu’Homer garde le truc dans la main trop longtemps, sinon la dose augmente. Ceci est également valable pour les radiographies : leur nombre est limité par patient et par an : ce n’est pas pour rien. Ce n’est pas pour rien non plus que le radiologue ne reste pas avec vous lors d’une radio : les rayons X c’est bien et ça sauve des vies, mais elles sont également dangereuses à haute dose.
La barre d’uranium jetée dans la nature
Dans les Simpsons, l’uranium finit dans la nature. D’un point de vue radioactif, vous ne verrez pas grand chose de particulier : pas d’insectes géants ou d’oiseaux mangeurs d’enfants, mais les conséquences seront dramatiques quand même. L’uranium est un poison : une pollution à l’uranium serait pire qu’une pollution au plomb. L’uranium, bien que faiblement radioactif, finira par se désintégrer (au rythme de 50% de la masse restante tous les 4 milliards d’années) et par produire d’autres éléments plutôt toxiques et ou radioactifs à leur tour : thorium, radium, radon, polonium, plomb…
L’eau finira par être polluée et ingérée, et c’est là que c’est dangereux : un bout d’uranium dans les mains ne fera rien (la peau nous protège) mais dans le corps, c’est une autre histoire : les radiations seront absorbées par les organes et ces derniers seront lésés et risquent de développer un cancer ou des maladies…
Bref, ne faites pas comme Homer, ça vaut mieux.