The Matrix est un film de 1999 où le héros, Néo Andersen, se voit révéler la vérité du monde par un groupe de personnes dont Morpheus est le chef.

Selon Morpheus, le monde tel que l’on connaît est une illusion, une simulation, introduite dans notre subconscient par une intelligence artificielle qui aurait pris les humains en otage après avoir mal tournée.
L’intelligence artificielle, une énorme structure bionique, maintient des humains dans un coma et pompe leur énergie vitale tout en leur injectant l’illusion de vivre dans le monde actuel. Ce monde, injecté dans le souvenir de tous les humains est appelée la matrice (The Matrix, en anglais).

the matrix
Le groupe de Morpheus a réussi à sortir de cette illusion et voit en Néo un sorte d’élu qui pourrait détruire la matrice.

L’hypothèse selon laquelle nous vivons dans un jeu vidéo, une simulation et où la conscience serait une simple illusion partagée par tous n’est pas en reste de la recherche scientifique. Après tout : l’origine de la vie, de l’univers est toujours inconnue, alors autant exploiter toutes les voies (tant qu’elles correspondent aux faits, bien-entendu).

Voyons ce que la science peut dire à propos d’une « matrice ».

De la pixelisation des jeux-vidéos

Quand on joue dans un jeu de simulation (comme les premiers Sims, par exemple), l’image n’est pas toujours réaliste, elle est pixélisée :

a train in simcity
Ceci vient du fait que les images n’ont qu’une résolution limitée.
Le niveau à partir duquel les pixel commencent à apparaître est sans cesse repoussée par le progrès et l’amélioration de la puissance des ordinateurs. Sur les derniers jeux vidéos, le réalisme est prenant et on en arrive à faire ça :

capture d’écran Assassins Creed unity
On commence à ne plus pouvoir distinguer la réalité de la simulation.

À côté, certaines images, vectorielles, ne pixelisent pas : on utilise des fonctions mathématiques et non des dessins pour représenter un décors. Ces décors ont cependant leurs limites aussi. Cette limite n’est pas mathématique car une fonction valable sur ℝ peut-être zoomée autant que l’on veut ; elle est purement numérique : la résolution de l’informatique n’est pas infinie.

Tous les systèmes informatiques disposent d’une résolution limitée. En langage C, par exemple, on peut utiliser des variables de type long double. Ils occupent plus de mémoire mais sont plus précises. Leur résolution est alors de 0.4940656458412465441765687928682213×10⁻³²³

Ceci est un nombre vraiment très très petit. Mais il n’est pas infiniment petit. Il demeure cette résolution minimale : on ne peut pas aujourd’hui être plus précis que ce petit nombre. Et si dans le futur on utilise des types de nombres plus précis, la résolution minimale ne sera que repoussée, pas supprimée.

On imagine qu’à terme, la résolution maximale des ordinateurs approchera de façon asymptotique ce qu’on a dans la nature : une résolution atomique, voire plus fine encore.

Pour l’instant, la limite des images vectorielles est absolument intrinsèque au fait que ces images soient dans une simulation numérique.

La question qu’on peut se poser est celle qui consiste à savoir sur notre univers a lui aussi une limite dans la résolution. Le but étant de réussir à prouver l’absence de cette limite : si on y arrive, alors on prouve le fait que nous ne vivons pas dans une « matrice », car cette dernière aurait alors besoin d’une puissance de calcul infinie, ce qui n’est pas réalisable. Dans le cas contraire où l’illimitation de l’univers n’est pas prouvable, le doute reste permis concernant la « matrice ».

La nature : pixelisée ?

Dans la nature il se trouve que le monde est pixelisé aussi : on ne peut pas zoomer de façon infinie, y compris avec un microscope.
Au début, on pensait que le pixel était l’atome : que c’était la plus petite entité possible de la matière. Mais on a vu plus petit : le noyau (composé lui-même de nucléons), les électrons. Et puis, on vu qu’on pouvait aussi casser les nucléons et qu’on y trouvait des quarks. À chaque fois cependant, on avait besoin de plus en plus d’énergie pour briser ces particules.

Pour le moment, la physique nous dit que le quark (constituant des neutrons, protons…) est une particule fondamentale… Jusqu’à ce qu’on trouve quelque chose de plus petit encore.

Si il n’y a rien de plus petit que le quark, ça veut dire qu’il y a un nombre fini d’objets dans l’univers.
Ceci dit, tout comme on peut représenter des nombres aussi grand qu’on veut avec seulement 10 chiffres de base, la limite dans le nombre d’objets dans l’univers ne signifie pas que le nombre de configurations est elle-aussi limitée.

Si d’autre part l’espace et le temps avaient également des pixels, alors on pourrait dire que l’univers a un nombre fini de configurations possibles : il serait donc possible de le modéliser avec une puissance de calcul elle aussi finie.

Il se trouve que justement cette idée existe : l’espace et le temps sont graduées eux aussi avec une résolution finie (les unités de Planck) : 1,6×10⁻³⁵ m pour les distances et 5,4×10⁻⁴⁴ secondes pour le temps. Néanmoins, ce sont les plus petites grandeurs spatio-temporelles mesurables en théorie. Elles ne sont pas prouvées et peut-être même pas prouvable, mais on gagne à les mentionner ici.

Pour le moment, on ne sait pas trop encore si l’espace, le temps et la matière sont divisibles à l’infini.

Comment prouver que nous ne sommes pas dans une matrice ?

Une des façons de savoir si on vit dans une simulation c’est d’essayer de pousser la simulation à bout. On sait que l’informatique est limitée : au bout d’un moment, l’image et les données « pixélisent ». Dans la nature, on peut mettre ça en évidence avec certains nombres irrationnels.

Pour voir ça, prenons cet exemple où, pour le langage de programmation Python, 0,8 + 0,9 est différent de 1,7. Ceci vient du fait qu’en binaire, le nombre 0,9 est un nombre qui ne tombe pas juste.

En base 10, on a aussi des nombres irrationnels : la racine carrée de 2 ou encore le nombre Pi, par exemple : ils ne tombent jamais juste. Si la Matrice est réelle, comment fait-elle pour produire des nombres irrationnels qui ont une infinité de décimales ? Elle lui faudrait une infinité de mémoire et de puissance de calcul… Si on prouve que Pi ou racine de 2 sont des nombres avec une infinité de décimales, alors l’idée d’une matrice sera sur le point de tomber à l’eau.

On pourrait utiliser une base « Pi » plutôt qu’une base 10, mais dans ce cas est-ce que la racine carrée de 2 tombe juste dans une base Pi ? Et comment représenter le nombre « 2 » dans une base Pi, pour commencer ?

L’intelligence artificielle

IBM watson super computer

(↑ Le super-ordinateur Watson, source)

À notre époque, les intelligences artificielles sont encore très limitées : un ordinateur qui soit capable d’apprendre tout seul des choses et d’évoluer tout en apprenant là aussi tout seul n’existe pas encore.

On peut néanmoins créer des programmes qui calculent vite ou utilisent des problèmes de logique :

  • les logiciels de retouche photo arrivent à détecter des visages ;
  • les logiciels de reconnaissance de caractères arrivent à numériser des livres entiers ;
  • les traducteurs automatiques sont de plus en plus puissants ;
  • les moteurs de recherche sont de plus en plus précis ;
  • les voitures autonomes sont maintenant plus fiables qu’une voiture pilotée par un humain.
  • les logiciels sont plus forts que des humaines à certains jeux, comme les échecs ou le jeu TV américain Jeopardy.

Ceci dit, peut-on réellement parler d’intelligence ?
Pour la reconnaissance des visages, le programme ne fait qu’analyser les contrastes dans une portion de l’image et il compare ça à une image d’un visage qu’il a en mémoire. C’est toujours l’humain qui, ici, lui a appris comment faire.
D’ailleurs, les premières caméras à reconnaissance faciale ne reconnaissaient pas les visages si vous n’êtes pas blanc de peau

Les ordinateurs dans ces cas là sont en réalité doués à analyser, à trier et à recouper les sources d’informations entre-elles. Ce n’est pas de l’intelligence mais du simple calcul.

Le jour où une véritable intelligence artificiellement créée par l’homme existera, alors elle sera capable au moins :

  • de poser des questions existentielles ;
  • de réfléchir toute seule et d’apprendre ;
  • de s’améliorer et de corriger les erreurs qui surviennent ;
  • de désactiver les systèmes de sécurité mises en place par l’homme.

On n’est pas encore là, mais certains scientifiques comme Stephen Hawking ont prévenu que l’humanité serait sérieusement en danger le jour où ceci arrivera.

Le test de Turing

allan turing

(Alan Turing, source)

Si vous parlez à quelqu’un : comment pouvez-vous savoir si cette personne est consciente ou si c’est une intelligence artificielle qui parle à travers elle ? Si cette intelligence artificielle a passé le test de Turing avec succès, alors ce serait impossible.

Le test de Turing a été imaginé par Alan Turing dans les années 1950. Il consiste à faire converser un humain avec ce qui peut être soit un ordinateur, soit une personne. Le test est réussi pour l’ordinateur si l’humain n’arrive pas à déterminer s’il parle à une autre personne ou à un ordinateur. Dans ce cas, le niveau de conversion de l’ordinateur est jugé suffisamment élevé pour approcher celui d’un humain.

Si nous vivons dans une matrice gérée par une intelligence artificielle, alors nous ne pourrions pas nous en rendre compte en demandant à quelqu’un dans la rue. Il faut donc autre chose.

Dans le film, ils arrivent à s’en rendre compte grâce à des « glitch », des artefacts : le phénomène de « déjà-vu » est un exemple d’artefact de ce genre.
Le déjà-vu a lieu quand la Matrice modifie les souvenirs des humains ou en modifiant les lois de la nature (définies par la matrice elle-même), par exemple en modifiant le cours du temps.

Une Matrice simulée par un ordinateur comporterait alors forcément des bugs qui seront à l’origine des artefacts. Ce sont ces bugs qu’ils exploitent dans le film.

La science, dans la recherche des explications aux phénomènes auquel nous assistons, propose constamment des bugs du genre, et il faut donc sans cesse revoir nos théories. C’est tout ça qui fait avancer la science et la recherche : les nouvelles réponses apportent de nouvelles questions…

Qui a créé cette supposée Matrice ?

Dans The Matrix, la Matrice est créée par une intelligence artificielle qui a mal tournée (pour l’humanité). Si nous vivons dans une telle chose : qui en serait le créateur ? Qui serait cette intelligence supérieure ?

La réponse qui vient tout de suite à l’esprit est celle d’une intelligence divine.
Mais alors dans ce cas : d’où vient ce Dieu ? Est-il lui-même dans une simulation ?

L’existence d’un « créateur », tout comme celle de la Matrice, n’est pas exclue pour le moment : rien dans ce que nous observons ne permet (encore ?) d’invalider ces hypothèses… À l’heure des connaissances actuelles, cependant, une Matrice ou un créateur d’ordre divin ne sont nullement nécessaires pour expliquer le monde.

Par ailleurs, si on part dans le créationnisme, alors ça n’avancera pas la recherche de l’origine du monde. Le non-croyant curieux demandera « d’où venons nous ? » et le croyant curieux dira « nous venons de Dieu, mais d’où vient Dieu ? ».

Ça n’avance à rien, même s’il est légitime de se le demander.

Alors à défaut d’avoir des preuves, la science préfère rechercher des réponses dans des explications qui demandent le moins d’hypothèses et donc le moins de risques de se tromper (chaque hypothèse ou étape supplémentaire implique en effet un risque de se tromper).