Anges et Démons (2009) est un film adapté du livre éponyme de Dan Brown et reprenant un peu le thème et les acteurs de Da Vinci Code.

Alors que le pape catholique est mort, les Iluminati (société de scientifique secrète et traquée par l’Église) dérobent de l’antimatière au CERN et veulent faire exploser le Vatican, aussi bien métaphoriquement (dissoudre l’Église) que littéralement.

Ce qu’on peut essayer de voir ici, c’est le rôle de l’antimatière dans l’histoire, ainsi que ses effets, son origine et sa présence dans le monde réel.

antimatière en suspension magnétique

L’antimatière ?

L’univers : les étoiles, les planètes, les gens, les objets ; tout ce qu’on voit, est fait de matière.
Dans les années 1930, voire un peu avant, le physicien Paul Dirac découvre que les équations de la Relativité Générale à propos de la gravitation pouvaient admettre deux solutions (un peu comme l’équation x²=9 admet comme solution +3, mais aussi −3)  : l’une étant la matière bien connue, l’autre sera « l’antimatière ».
L’anti-électron est mise en évidence peu après cette découverte et d’autres anti-particules seront également observées. À chaque particule de matière correspond dès lors son homologue d’antimatière.

Une particule d’antimatière, si elle est observé, sera identique à sa particule de matière en terme de masse, ou de spin mais auront d’autres caractéristiques qui sont l’exact opposé de la matière ; c’est le cas de la charge électrique ou de la parité quantique. En fait, il est possible théoriquement d’avoir une chimie, des objets et des êtres vivants d’antimatière : rien n’empêcherait cela, dans un anti-univers qui serait alors symétrique au notre.

Quand une particule de matière rencontre la particule d’antimatière qui lui est associée, les deux s’annihilent (elles disparaissent) et l’ensemble de la masse des deux particules est convertie en énergie (des photons).

On suppose que lors du big-bang, il y eu la création de matière et d’antimatière et que plus de 99% de tout ça s’est annihilé. Toute la matière que l’on voit dans l’univers correspond à ce 1% d’excédant de matière sur l’antimatière primordiale — l’origine et la raison de cet excédant n’est toujours pas expliqué aujourd’hui : peut-être qu’une autre région de l’univers est faite d’antimatière ? On ne sait pas.

Créer de l’antimatière

Dans le film, l’antimatière est dérobée au CERN, au grand collisionneur de particules (LHC). Si en vrai le CERN est capable de produire de l’antimatière (même s’il n’a pas été prévu pour ça) c’est parce que ça demande une densité d’énergie très importante que seuls les plus grands collisionneurs de particules peuvent produire.

En effet, il est possible de faire l’inverse d’une annihilation : en concentrant assez d’énergie au même endroit, deux particules sont produites, dont une d’antimatière.

Le CERN a ainsi créé de l’antimatière : ils ont créé des atomes d’antihydrogène et d’antihélium en très faibles quantités. Le plus difficile est d’isoler les antiatomes (le moindre contact avec des atomes provoque leur annihilation) : il faut utiliser une cavité « remplie » de vide et suspendre l’antimatière le plus loin des parois grâce à un champ magnétique.

Ceci est bien reflété dans le film :

antimatière en suspension dans une cavité magnétique
Dans la nature, de l’antimatière est créée sans arrêt.

Premièrement, certaines désintégrations radioactives libèrent un antiélectron (aussi dit « positron » ou « positon ») ou d’autres antiparticules. C’est le cas par exemple du potassium 40, présente dans les bananes : la plupart des désintégrations du potassium 40 libèrent un antineutrino électronique, mais quelquefois ils libèrent un positron.
Quand vous mangez une banane, donc, vous mangez un petit peu d’antimatière (miam).

Deuxièmement, dans les fluctuations quantiques du vide. Le vide lui-même produit des paires de particules-antiparticules : c’est comme si ces deux particules existaient grâce à un emprunt d’énergie, qu’ils restitueraient en s’annihilant aussitôt. Ces fluctuations du vide sont responsables de l’effet Casimir et de l’évaporation des trou noirs par rayonnement de Hawking.

J’ai également mentionné le big-bang : de l’antimatière aurait été créée à ce moment là, mais la majorité de tout ça a été détruite par la matière.

L’annihilation de l’antimatière avec la matière

Qu’elles soient chimiques, nucléaires ou de matière-antimatière, toutes les réactions, libèrent de l’énergie en convertissant une partie de la masse en énergie selon l’équation E=mc².
Ainsi, pour la fusion nucléaire de l’hydrogène en hélium (réaction dans les étoiles) la masse d’hydrogène consommée est inférieure d’environ 1% à la masse d’hélium produite : cette différence est libérée sous forme d’énergie.

Lors de la combustion du pétrole ou de la TNT, il y a également une conversion masse-énergie. Celle-ci est cependant beaucoup plus faible que les réactions nucléaires : de l’ordre de 0,000001% seulement. C’est pour ça qu’à quantité de combustible égale, une centrale nucléaire produit environ un million de fois plus d’énergie qu’une centrale à charbon.

Dans une réaction d’annihilation matière-antimatière, la conversion est totale : 100% de la masse est convertie en énergie. Pour le dire autrement, si vous prenez ces deux craies :

deux craies
(image)

et si l’une d’elle était en antimatière, l’énergie instantanément dégagée par l’annihilation des deux serait la même que celle dégagée par toutes les centrales nucléaires de France… durant 16 heures.

L’explosion d’antimatière

Dans Anges & Démons, la quantité d’antimatière volée est de l’ordre de 1 ou 2 centimètres cube. Disons 1 gramme. Quand ça explose, c’est donc un total de 2 grammes qui se transforme en énergie.

Deux grammes transformés en énergie, ça fait 179 751 GJ d’énergie, soit autant qu’une explosion de 40 kilotonnes, ou 3 bombes d’Hiroshima.
Dans le films, je trouve qu’ils sous-estiment l’explosion : ils parlent d’une explosion de 5 kilotonnes. Ceci reste une explosion équivalent à 5 000 tonnes de TNT cependant.

Quoi qu’il en soit,si la destruction causée par une telle bombe me semble en cohérence avec ce qu’on voit dans le film (à l’exception des rayonnements X ou gamma qui auraient détruire toute forme de vie humaine dans Rome à cause des rayonnements), l’image d’une sorte de nébuleuse dans le ciel est exagérée :

l’explosion de l’antimatière
Les couleurs ressemblant à celles d’une aurore polaire sont produite par des particules accélérées à grande vitesse et entrant en collision avec les atomes présentes dans l’air : ces particules sont normalement rapidement arrêtées par l’air et la lumière aurait dû cesser tout de suite après l’explosion au lieu de persister.

Utiliser l’antimatière pour produire de l’énergie

La réaction antimatière-matière libère des quantités colossales d’énergie, environ 100 fois plus que les réactions nucléaires. Ne peut-on pas utiliser ça pour produire de l’énergie ? Oui… mais non.
Il n’y a pas d’antimatière exploitable dans la nature. Il n’existe pas de mine d’antimatière, comme il existe des mines d’uranium ou de puits de pétrole.

Il faut produire l’antimatière, et ceci demande au moins autant d’énergie que l’antimatière pourra en fournir : ce n’est pas du tout rentable. Sans compter la difficulté pour isoler l’antimatière de la matière une fois qu’on l’a synthétisée dans un accélérateur. Selon Nature, le CERN a dû effectuer 335 fois la même expérience pour produire, extraire et isoler… 38 atomes d’antimatière.

Pour l’instant, seul le futur nous dira s’il y a un moyen plus facile, plus productif et moins cher de produire de l’antimatière, le but étant de l’utiliser comme source d’énergie.

La NASA espère utiliser ça pour certains vaisseaux, bénéficiant de la réduction considérable de la quantité de carburant à transporter : ils estiment que 10 mg de positrons suffiraient pour transporter des hommes sur Mars… Et que produire ça coûterait environ 200 millions de dollars (ce qui donne un prix au kilo de 2 000 000 000 000 de dollars).